L'Emei Shan. Premiere et plus haute montagne sacree des bouddhistes. Ce statut en a fait un site touristique tres prise. Mais plus que les moines, ce sont les macaques qui nous ont attire sur ces pentes escarpees. D'ailleurs nous avons croise plus de singes que de religieux. Ces derniers ont ete remplaces par des tenanciers de petites gargottes installes tout le long du chemin de randonnee pour nourrir et abreuver les quelques courageux randonneurs prets a gravir les 2500 metres en escaliers. Car en Chine, les sentiers de montagne sont paves et lorsque ca cote, les marches n'en finissent plus. Autant vous dire qu'a part nous, trois moines en pelerinage et quelques autres blancs sportifs, notre seule compagnie a ete celle des singes.

La premiere rencontre avec les primates a eu lieu dans une zone touristique ou les Chinois affluent en nombre car ils peuvent y acceder en bus puis en telecabine. Elle est decrite sur notre plan comme etant un site ecologique. Leur vision de l'ecologie est la suivante: A l'entree de la zone, vous avez la possibilite de vous munir de sachets de mais pour nourrir les singes ainsi que d'un baton en bambou pour vous en debarrasser. Si vous ne vous en sortez pas tout seul, comme ce fut le cas pour un couple de quebecois qui s'est vu vider leur sac et eparpille son contenu, des gardiens interviennent avec des batons et des lance-pierres. Cette zone n'a donc pas grand chose d'ecologique mais elle a l'avantage de nous avoir montre comment gerer un groupe de singes affames. Par la suite, nous avons croise a plusieurs reprises des bandes de macaques. Heureusement, ceux-ci etaient plus sauvages et donc plus mefiants. Le simple fait de taper notre bambou (scie avec notre couteau suisse) sur le sol suffisait pour les garder a distance. Apres quelques rencontres, nous nous sentions assez a l'aise et commencions a apprecier leur compagnie. Nous avons meme fait un bout de route avec un bel adulte, mais nous marchions trop vite a son gout, alors nous nous sommes salues et quittes.

La montee jusqu'au sommet n'etant pas faisable en un seul jour, les differents temples construits le long du chemin proposent des chambres. Comme souvent, nous optons pour l'option la meilleure marche, ce fut le dortoir ou nous etions en fait les seuls. Ceci s'explique peut-etre par l'etat de salubrite immonde de la piece. Les lits devaient dater des Ming ou des Qing (plusieurs siecles en arriere) et les matelas etaient constitues d'un amas de chiffons brunatres. L'humidite de la montagne avait penetre la chambre par les carreaux brises ainsi que les moucherons et papillons, venus finir leur jours sur les draps mouilles. Mais nous sommes toujours bien equipes et nous avons transforme ce lieu qui ressemblait a la chambre commune des mineurs dans Germinal en un petit nid douillet. La couverture de survie nous protegeait de la moiteur des draps et nos sacs de couchage nous ont fourni la chaleur necessaire pour passer une nuit correcte aupres de Bouddha.

Le lendemain, nous quittons le temple sans trop tarder pour rejoindre le sommet tant venere. Le reste de la montee se fait rapidement et le soleil nous accueille 200 metres avant le but alors que nous etions dans un brouillard epais depuis notre depart. Il est vrai que cette montagne est magnifique et les monuments religieux dores sur fond de ciel bleu y ajoutent encore un peu de splendeur. Alors que nous nous rechauffons au soleil, nous pensons qu'il sera psychologiquement difficile de repasser une nuit dans les nuages. D'apres nos calculs, il nous semble possible de faire la descente en une demi-journee si nous descendons deux fois plus vite que nous sommes montes. Debute alors une course folle en-bas les milliers de marches qui nous ont fait tant suer. Apres une heure de descente, le rythme nous parait tenable mais nous n'arriverons pas au village avant la nuit. On decide de rejoindre une bourgade ou nous pourrons prendre le dernier bus a 18h pour rentrer a notre hotel. Le temps presse, nous courons de plus en plus vite. A 17h30, nous arrivons a l'arret de bus. Il nous aura fallu moins de 5 heures pour passer de 3077 metres a 850. Sur le parking, nous apprenons que le dernier bus etait en fait a 17h. La seule solution qui nous reste pour rentrer est de payer les chauffeurs prives qui savent tres bien qu'ils sont notre derniere chance. Ils demandent le triple du prix du bus public, ce que nous refusons. Ils attendent des clients pour remplir leur mini-bus et par chance nous sommes les seuls. Apres une longue negociation, nous arrivons a diviser le prix de base par deux et c'est finalement dans une belle Chrysler que nous rentrons confortablement.

Les jours suivants sont nettement moins confortables. Nous payons le prix de notre course a la descente par les courbatures de notre vie. Ce qui est specialement drole, c'est que nous boitons les deux exactement de la meme maniere. On fait la course avec les octogenaires mais lorsqu'il s'agit de descendre un trottoir, ils prennent une sacree avance. Nous avons quand meme pu prendre le train pour Kunming, mais nous sommes cloues au lit ou devant des DVD. Par bonheur, le meilleur restaurant que nous avons teste depuis le debut de notre voyage se trouve a 10 metres de l'auberge. On se contente alors de manger de succulents plats de poulet epice et de porc croustillant a la sauce aigre-doux.

Desoles pour la mise en page des photos. On fait ce qu'on peut avec ce qu'on a.